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Voici un papier qui ne s’apparente que de loin à la danse. En même temps…

Il y aurait trois raisons d’associer étroitement le sujet à la danse contemporaine.

 

Un : voici une tentative de rompre le circuit infernal de la « rentabilité » de l’art !

(Petite parenthèse : toutes les activités humaines – à peu près – sont susceptibles d’augmenter leur rentabilité grâce à la technicité : agriculture, éducation, industrie (évidemment), etc… L’art a bien plus de difficultés. Une peinture en tant que telle n’a pas de raison d’être faite plus économiquement que voila quelques siècles… Et ainsi de suite. Monter Sophocle suppose à peu près le même investissement depuis les Grecs anciens. Ce qui a un peu changé, c’est le mode de diffusion… mais il ne diffuse qu’un ersatz… Un roquefort exporté est un vrai roquefort… Une repro de Van Gogh n’est pas un Van Gogh. D’où la règle bien connue, véhiculée par les technocrates. Tendanciellement, l’art coûte de plus en plus cher ! Dans une société comme la notre, cela équivaut à une condamnation à mort. De ce fait, les artistes depuis quelques années rivalisent d’idées pour arriver à baisser les coûts à qualité égale.)

 

Deux : Dans la pratique, cette tentative de coûter moins suppose une technicité qui s’apparente à la danse (mémoire corporelle, etc…) (Cela peut aussi toucher au cirque, évidemment).

 

Trois : une des comédiennes impliquées (Christine Darrigade) est connue dans la danse contemporaine. Elle a participée à la compagnie Fatta Morgana. (Bon moyen de rappeler que la porosité entre danse et théâtre est très élevée).

 

Nous parlerons ici d’un spectacle pour enfants, nommé « 20 000 lieux sous les mers ». Evidemment une adaptation de Jules Verne. Elle est réalisée avec un théâtre de marionnettes. Ce théâtre se présente sous la forme d’une reproduction de scène de théâtre à l’italienne de format de poche (la dimension finale « visible » est celle d’une grosse télé ou d’un aquarium). L’adaptation est à la fois fidèle et très contemporaine.

 

En effet, c’est surtout le discours du Jules Verne socialiste et écologiste qui est retenu. Et quand on ne retient que cet aspect, le vieux Jules paraît résolument révolutionnaire, à mi chemin de Nicolas Hulot et du sous-commandant Marcos. En ce sens, le travail d’adaptation n’a rien d’enfantin, il est responsable.

 

Ce qui est le plus intéressant, c’est le résultat. On pourrait gloser sur la technicité. Chaque comédienne (il y a aussi Céline Le Pape) joue deux rôles vocaux tout en agitant son quota de marionnettes (4 personnages humains, toute une série de monstres, d’appareils et de bateaux). Les dimensions étant réduites, les éclairages sont miniaturisés (tout en étant fort subtils), la vidéo,réalisée et montée par Christine Darrigade (utilisée exactement comme un décor d’aquarium, en fond) est remarquable, etc., etc… Mais en fait, on s’en fiche ! Ce qui compte, c’est ce qu’on perçoit.

 

Et là, l’essentiel, c’est un choc graphique. Les dessins originaux sont dus à Sylvaine Jenny. Le résultat est une bande dessinée animée d’une richesse considérable. J’ai passé l’âge de la cible (7-11 ans, je dirais) et je me suis tout de même régalé. Je ne suis pas un spécialiste de l’animation, mais je pense qu’on peut se référer à Tim Burton ou à Lewis Trondheim (le mélange d’épique et de naïf). Et là, je ne parle pas en termes de dessin, je parle en termes d’état d’esprit : poétique et efficace.

 

Bref, si vous avez l’occasion et que vous avez gardé votre âme d’enfant… Une heure de bande dessinée animée (juste retour des choses, Jules Verne est une source pour toute la BD francophone).

 

Ouvrez grandes vos mirettes. La compagnie s’appelle le « théâtre de la grande poche ».

 

PS : J’aime beaucoup l’idée d’aller rivaliser – en termes de format – avec l’écran de télé. Celui-ci est en train de nous tuer ? Très bien, on va vous montrer que dans son format, on est capable de faire de la poésie… J’y trouve un caractère commun avec les gens du quai qui nous montrent sur scène qu’ils peuvent faire une télé tout aussi artificielle que celle du capital.

 

 

Jean-Marc Douillard (journaliste et critique danse à l’Hérault du jour).

 

Un théâtre de poche Publié le 24 mars 2011 par JMD critique d'art de la Danse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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